mardi 18 mars 2014

Georges Braque : l’espace réinventé (envoyé par Babelio)


 A côté de l’immense célébrité de Picasso, Braque reste finalement méconnu du grand public. Je ne le connais que très peu même si j’ai pu admirer certaines de ses toiles dans de très grands musées comme le MOMA. D’ailleurs Braque comparait lui-même son travail avec Picasso à de l’alpinisme en remarquant que Picasso était le 1er de cordée..

 Il faut dire que les thèmes qu’il affectionne tout particulièrement à savoir les intérieurs bourgeois ou les natures mortes ne sont pas vraiment ma tasse de thé. Je préfère les fresques historiques, les vanités pleines de sens cachés.

 Alors j’ai tout à apprendre de cet artiste et tout à découvrir de ce genre de peinture car Je n’en suis pas fière Je suis remplie de stéréotypes sur les natures mortes et ce livre va m’ouvrir les yeux sur la quantité d’informations passionnantes qu’une nature morte de Braque est capable d’apporter.

Georges Braque : l’espace réinventé est un très beau livre d’art scientifique qui se compose de deux parties : la première contient 5 essais de scientifiques qui décortiquent les œuvres de Braque durant l’entre deux guerre jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale. La deuxième partie se compose des planches contenant les œuvres analysées et deux textes de critiques d’art contemporain à cette période de grande création de Braque. Je dois avouer qu’à première vue, j’ai mis du temps à ouvrir ce livre, la lecture me paraissant trop dense, érudite et pointue et pas franchement alléchante. Mais dès les premières lignes de la préface j’ai été happée, passionnée par son contenu! Il faut dire qu’il y de l’intelligence et de la pédagogie chez les rédacteurs de ces essais. Ce livre fait le lien entre l’analyse d’un contexte historique agité durant lequel Braque a peint ses natures mortes et une analyse scientifique pointue des différentes techniques et matériaux utilisés.


Différents acteurs de la réussite de G braque sont ici évoqués comme ayant contribué à la défense, la connaissance et la célébrité de cet artiste : des collectionneurs et des critiques d’art : Duncan Philips, Carl Einstein et Jean Paulhan, le poète Francis Ponge et le Mildred Lane Kemper Museum etc… Il s’agit aussi d’expliquer l’acceuil français mais aussi américain fait aux œuvres de l’artiste.

 Ce qui est au cœur de ce livre c’est la raison pour laquelle cet artiste s’est intéressé aux natures mortes. Il s’agit ici d’un véritable travail de recherche.

Pourquoi préfère t-il le statique, l’immobile ? En fait, Braque étudie « ce qui nous sépare de l’objet », « l’espace entre ». Il décrit d’ailleurs lui-même son obsession : « L’espace visuel sépare les objets les uns des autres. L’espace tactile nous sépare des objets. Toute ma vie, ma grande préoccupation a été de peindre l’espace »

 Ce que permet ce livre c’est d’accéder à cette compréhension en nous décrivant, en analysant les tableaux peints par cet artiste. Grâce à ces descriptions érudites j’ai pu accéder à des tableaux qui m’étaient restés inaccessibles. On m’a donné à voir le travail complexe de cet espace tactile que Braque veut nous faire appréhender.
 Un exemple m’a beaucoup frappé, celui de l’atelier au vase noir de 1938, j’ai été capable de voir cet espace entre le peintre et la nature morte grâce à cette grille que je n’aurai jamais vu sans les explications de ce livre. Tout aussi passionnant, pour moi professeur d’histoire, est l’étude du « non engagement » de Braque quand Picasso lui défend ses idées durant la période la plus trouble du XXème siècle.

 Cet homme qui selon Einstein, ne décris pas seulement le monde mais le transforme en œuvre d’art Cet homme qui fait du cubisme un processus intellectuel
 Cet homme qui selon Ponge crée des tableaux qui regardent le spectateur
 Cet homme qui selon divers scientifiques est un chercheur du tactile, un architecte de la peinture

est un artiste passionnant à découvrir grâce à ce magnifique livre dont l’érudition ne doit pas rebuter car elle est mis au service du public pour l’aider à comprendre.

 Et comme pour me faire pardonner du temps, assez long, qu’il m’a fallu pour rédiger cette critique je finirai par le mot de l’artiste lui-même qui revenait sans arrêt sur ces créations : « je trouve qu’il faut travailler lentement »….


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